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Biographie

Gilles à 15 moisGilles Latulippe est né au dessus de la quincaillerie paternelle sur la rue Rouen (quartier Frontenac) à Montréal, le 31 août 1937 à six heures du matin. Pour les amateurs, cela fait de lui une vierge ascendant vierge. Ses parents, Blanche Fournier et Eugène Latulippe sont heureux de la naissance de ce deuxième garçon qui vient au monde deux ans après son frère Bernard.

 

L'enfance est heureuse et Gilles s'annonce très tôt comme un joueur de tours pendables mais que ses parents prennent avec bonne humeur. Enfant, il écoute l'émission "Le ralliement du rire" à la radio (avec notamment Marcel Gamache) et il rêve du jour où il saura écrire afin de garder toutes les blagues qu'il entend sur papier et pouvoir les répéter plus tard.

 

Malheureusement, l'école Meilleur où il fait ses premières classes est pour lui un endroit qu'il déteste, où on l'oblige à rester enfermé durant de trop longues heures. Du moment qu'il sait écrire même phonétiquement, il sait tout ce qu'il veut, le reste ne l'intéresse pas et même lui semble inutile. Le bâtiment lui-même est particulièrement austère et la discipline y est stricte, menée par les Frères du Sacré-Coeur. Dès son plus jeune âge, Gilles veut être indépendant et vivre sa vie comme il l'entend. Les quinze années passées à l'école Meilleur ont été pour lui quinze années de prison.  C'est en revenant de cette école qu'il a un jour eu la conviction que ce qu'il voulait faire dans la vie, c'était faire rire.

 

Le Collège Cordeau sur la rue Ontario laisse de bien meilleurs souvenirs à Gilles. L'ambiance y est plus agréable, la directrice est une excellente conteuse d'histoires et, en plus, il peut organiser des petits spectacles comme activité para-scolaires. Sa vocation continue donc à s'affirmer et son sens des affaires à se développer.

 

A l'automne 1955, le jeune Latulippe n'a guère le goût de continuer dans la quincaillerie familiale et ses parents ne s'opposent pas à son envie de faire autre chose (ni à celle de son frère Bernard). Gilles entre donc comme messager à la discothèque de Radio-Canada où un autre comique en devenir travaille aussi: Yvon Deschamps. Les deux s'entendent tout de suite très bien et c'est Yvon qui suggère à Gilles de suivre des cours de théâtre chez François Rozet. Le jeune Latulippe veut tellement apprendre, il absorbe tout ce qu'on lui dit, fait ses devoirs en triple et potasse les classiques. Il passera deux ans chez Rozet.

 

Roulotte - Bande à BonnotYvon Deschamps le présente également à Paul Buissonneau qui travaille au Services des Loisirs de la ville de Montréal. Il va donner à Latulippe ses premiers rôles à La Roulotte et dans des pièces comme "La bande à Bonnot". La bonne étoile de Gilles veillant au grain, c'est dans cette pièce que Gratien Gélinas le vit pour la première fois et décida de l'engager pour le rôle du Frère Nolasque dans "Bousille et les Justes", son premier rôle professionnel. Et quel rôle! Avec Nolasque, Gilles va voyager durant deux ans à travers le continent, jusqu'à Seattle où la pièce est jouée dans le cadre de l'Expo Universelle.

 

Début des années 60, il n'y a pas beaucoup de rôles pour un jeune comique. Gilles possède un large répertoire de blagues et avec un autre acteur débutant, Robert Desroches, il décide de s'embarquer dans le monde des cabarets. S'il est un endroit difficile, voire périlleux, pour un artiste, c'est bien les cabarets. Difficile déjà pour quelqu'un de reconnu, alors pensez, pour un débutant... Néanmoins, Gilles et Robert savent tirer leur épingle du jeu et vont vite trouver leur propre créneau. De plus, Gilles y rencontre ses idoles (dont Olivier Guimond) et de nouveaux horizons s'ouvrent ainsi à lui. Ainsi, il participe à l'émission du Canal 10 "Le Capitaine Bonhomme" de 1963 à 70. Parallèlement, il est à l'affiche dans plusieurs séries et deviendra également animateur au 10, notamment dans l'émission qu'il co-anime avec Fernand Gignac, "Le 5 à 6".

En 1967, en plus des cabarets, des tournées, de la télévision et de la radio, Gilles décide d'ouvrir son propre théâtre, en pleine année de l'Expo. L'ancien théâtre Dominion sur la rue Papineau devient le Théâtre des Variétés. L'une des raisons qui le poussent à ouvrir le Variétés est que cela donne ainsi l'opportunité à tous les grands du burlesque, oubliés par les nouveaux médias (ou plutôt boudés), de pouvoir à nouveau travailler. Le seul qui ne connaît pas le métier de "burlesker", c'est le patron! Mais il apprend vite et les plus anciens sont heureux de lui montrer les ficelles du métier. C'est sans aucun doute les plus belles années de Gilles.

 

Rappelons que le Variétés n'a jamais touché une seule cenne de subvention et que seul le succès populaire en a fait une entreprise rentable du début à la fin, 33 ans et 7000 représentations plus tard. A chaque saison, on y retrouve des spectacles variés, de la comédie, des variétés ou des comédies musicales à grands déploiements. Les spectacteurs arrivent par autobus entiers des quatre coins de la province. Les gens vont au 10 à l'enregistrement d'une émission (plus tard, à Radio-Canada), vont manger chez Ti-Coq et finissent la journée au Variétés.

Le Variétés a fermé en mai 2000 et le bâtiment a été vendu. Heureusement, il a gardé sa vocation de salle de spectacle puisque le Cabaret La Tulipe l'occupe présentement. 

 

En 1972, Gilles et sa compagne Suzanne deviennent heureux parents et il prénomme son fils Olivier en hommage à son grand ami Olivier Guimond décédé un an plus tôt. Il dit qu'il a appris à dire non avec la venue de son fils et il jongle désormais vie de famille et vie professionnelle.

 

Olivier, Suzanne et GillesÊtre père, comédien et propriétaire de théâtre ne l'empêche pas d'être un pilier de la télévision où il accumule les émissions à succès et à grande longévité: Le 5 à 6 (4 ans), Symphorien (7 ans), Poivre et Sel (4 ans), Les Démons du Midi (6 ans).. pour n'en nommer que quelques-unes.

 

Il accumule aussi les récompenses, de Monsieur Télévision 1969 au Métrostar (il en possède plusieurs) en passant par les Gémeaux, sans oublier qu'il est membre de l'Ordre du Canada (2004) et Chevalier de l'Ordre National du Québec (2009). Liste non-exhaustive!.. Honneurs plus que mérités que Gilles n'aiment pas étaler mais qui doivent sans doute remplir une pièce complète.

 

Dès 1994, Gilles se tourne aussi vers le théâtre d'été. Une première année à Shawinigan ("Balconville PQ") lui donne le goût de recommencer l'année suivante mais à seulement une heure de chez lui: Drummondville.  De 1995 à 2014, il y présente chaque année une pièce de son cru et avec des comédiens avec qui il aime jouer. Le fidèle public du Variétés a détourné ses autobus et la salle de 950 places est pleine de rires durant tout l'été.

 

Depuis 1989, Gilles a également publiés de nombreux livres de blagues, quelques pièces et ainsi que des sketchs.

 

En 2009 (si ma mémoire est bonne), Gilles annonçait à sa troupe que le médecin lui avait trouvé une tache sur un poumon, une tache due à l'amiante. Malheureusement, cette tache presque anodine allait se transformer en un cancer redoutable. Les seuls traitements qu'il ait accepté sont ceux qui lui permettait de continuer à jouer. 

 

2011 aura vu le retour de la tournée pour Gilles Latulippe, avec un spectacle de variétés intitulé "Ça bat 4 as" qui réunit Jacques Salvail, Marielle Léveillé et le magicien Giacomo. L'année suivante, une nouvelle tournée avec le spectacle "Le diable à 4" amène Gilles et ses trois comparses sur les routes de la Gaspésie et du Nord de l'Ontario. Il a souvent répété que c'était sa dernière tournée... et il avait malheureusement raison. Durant ces deux automnes, ce sont 45 villes qui ont reçu la visite de sa troupe.

 

L'été 2014 à Drummondville a été particulièrement difficile, le cancer ayant progressé agressivement. Gilles était fatigué, le souffle court et beaucoup de toux. Il a délégué quelques responsabilités, allait s'étendre dans le décor avant le spectacle, avait modifié une scène ou deux pour s'aider. Le public ne s'est jamais aperçu de rien. Mais en sortant de scène, il s'accrochait aux décors avant de s'asseoir en attendant la scène suivante. Il était déterminé à terminer l'été et honorer son contrat (envers le théâtre mais surtout envers le public). Il restait deux représentations quand son corps a décidé que ça s'arrêtait là. 

Il est entré à l'hôpital fin août et n'en est pas sorti. Le sens du timing toujours présent dans sa tête d'artiste, et je suis convaincue qu'il l'a fait exprès, il est parti le 23 septembre 2014 à minuit trente. Le 23 septembre, jour de l'ouverture du Théâtre du Variétés. Jamais on ne me fera croire que c'est un hasard! 

 

Il y a eu quelques spéculations sur l'origine de cette amiante, certains pensent que c'est le rideau de feu du Variétés, moi je penche plutôt sur l'Atlas Asbestos, une usine de panneau d'amiante qui était dans Hochelaga, le quartier où il a passé son enfance (voir La Presse). Ou peut-être les deux, allez savoir. Quoi qu'il en soit, elle nous a coûté le dernier artisan du burlesque. 

 

Denis Coderre et la ville de Montréal ont ouvert l'Hôtel de Ville où les gens ont pu venir lui rendre hommage une dernière fois. Si Olivier Guimond ne croyait pas qu'il y aurait du monde à ses funérailles, Gilles n'y croyait pas non plus. Et pourtant, c'est par milliers que les gens sont venus lui dire aurevoir. Il était drôle, sympathique et les gens l'aimaient.

 

Crédit photos:  © Gilles Latulippe, tirées de son livre "Avec un sourire"